SILO : "L’ESPRIT ET L’OPPRESSION"
Il
était une fois, un homme très puissant qui possédait un grand
troupeau de moutons. Afin d’éviter qu’ils ne s’échappent, il
construisit un enclos. Cependant, quelques moutons cassèrent la
prison et réussirent à s’enfuir. Pour éviter cela, l’homme
puissant mit des chiens pour les surveiller nuit et jour. Mais malgré
tout, certains moutons parvinrent à s’enfuir, même si certains
d’entre eux se firent tuer par les gardiens qui les déchiquetaient
et les mordaient férocement. Un soir, très excités par cela, les
chiens pénétrèrent dans l’enclos et continuèrent la tuerie.
L’homme
puissant se rendit alors compte que l’enclos était fragile et les
gardiens dangereux. Il envoya alors chercher un magicien. Celui-ci
endormit tous les moutons et il leur fit rêver qu’ils étaient
libres. Au réveil, ils continuèrent à croire qu’ils agissaient
volontairement et n’abandonnèrent plus leur maître. Ainsi,
l’homme puissant enleva enclos et gardiens. Lorsqu’il avait
besoin de viande ou de laine, il lui suffisait de prendre les
moutons.
Le
mouton est l’esprit de l’être humain, l’homme puissant est
celui qui veut l’utiliser; l’enclos, les chiens et le magicien
sont les complices de l’oppresseur. Encercler l’esprit, c’est
le séparer du monde par l’ignorance. L’entourer avec des
gardiens, c’est le maintenir dans la solitude par la violence et la
force en lui faisant peur. Finalement, l’endormir, c’est dégrader
l’esprit avec persuasion et de beaux mensonges.
A
travers le temps, on a utilisé ces trois formes d’assassinat de
l’esprit. L’ignorance et la peur n’ont pas été suffisamment
puissantes pour contenir les impulsions de liberté. D’autre part,
un homme ignorant et craintif est moins utile à l’oppresseur qu’un
homme instruit, car il n’est pas nécessaire d’exercer de la
violence sur lui, étant donné qu’il est d’accord avec
l’infamie.
Quand
un homme n’a besoin ni de barrière ni de gardien, quand il est
conforme avec la fausseté de sa vie, c’est que son esprit est
mort. Il y a ceux qui vendent leur liberté intérieure pour obtenir
sécurité et bien-être matériel. Et ceux qui leur parlent de la
nécessité de se réveiller leur semblent injurieux.
Quand
les hommes dorment de cette façon, ils collaborent avec l’oppression
et ils travaillent au profit de l’oppresseur. On considère ces
hommes « utiles » aux causes de l’état, qui est lui-même au
service d’un empire. Un homme, qui s’est tant dégradé, est un
triomphateur et devient un exemple de travail et de surpassement. Il
reçoit son salaire en fonction de la souffrance des autres,
considérés comme incapables. Il est possible d’être triomphateur
simplement en collaborant avec les ordres du maître, qui s’appelle
état, morale ou religion.
Le
faux triomphateur dort. Mais souvent ses rêves sont pleins de
sursauts parce que, tôt ou tard, quelques moutons se réveillent et
commencent à réveiller les autres ... Petit à petit dans l’enclos,
on avertit que l’on ne croit plus à cette fausse liberté.
Je
crois seulement en ceux qui se reconnaissent hors de l’enclos et
qui ne jouissent pas des bénéfices du triomphateur.